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ENARTS dans toutes ses libertés au Centre d’art

Malgré le climat d’insécurité qui sévit dans les rues de Port-au-Prince, les écoliers qui manifestent sur la voie publique brûlent des pneus pour réclamer la libération de leurs professeurs kidnappés, l’École nationale des arts (ENARTS) a quand même organisé sa quinzaine de la francophonie en lançant « Art et diversité: ENARTS en liberté », mercredi 16 mars, au Centre d’art.

Pour le directeur général de l’ENARTS, Philippe Dodard, la Quinzaine de la francophonie est un beau prétexte, une invitation à organiser cette manifestation culturelle qui allie peinture, céramique, sculpture, création des étudiants finissants de l’ENARTS.

« À l’occasion de cette quinzaine, l’idée c’est d’exposer les œuvres conçues par les étudiants qui reflètent ce que j’appellerais le cri de la ville. Notre ville est en agonie, elle tend ses bras peut-être vers la belle amour humaine dont parle Jacques Stephen Alexis. Ces œuvres parlent, dérangent, posent des questions sur notre avenir en tant que personne et sur la société afin de voir comment on arrivera à vivre ensemble, à collaborer pour sortir le pays de cette impasse », a déclaré Philippe Dodard. Le directeur dit ne pas baisser les bras. Aussi croit-il que la culture haïtienne conserve toutes ses potentialités et ses vertus pour sensibiliser notre jeunesse à une « culture citoyenne ».

Dodard ne cache pas ses angoisses : « Le destin du pays inquiète la jeunesse ». Le célèbre plasticien s’interroge aussi sur cet horizon qui semble bouché. Comment ces nouveaux plasticiens que l’ENARTS a mis sur le marché arriveront-ils à vivre de leur art ?

Malgré ces doutes, l’espoir survit dans le discours de Dodard. « Nous sommes dans le processus de réouverture de l’ENARTS avec un nouveau curriculum. Plus de deux cent postulants, surtout en art plastique et en musique ont subi des examens pour avoir une chance d’entrer à l’ÉNARTS », souligne-t-il.

Cette école de l’avenue Mgr Guilloux, malgré les assauts de la crise à multiple facettes qui secouent le pays, continue d’attirer la jeunesse studieuse. C’est dans ce contexte qu’une 5e section dédiée à la « Gestion des activités culturelles » est ouverte, cette année, dans cette institution.

Propositions visuelles

Comme à l’accoutumée, ce sont les mêmes têtes que l’on voit dans les activités culturelles qui vont et viennent dans la cour de l’ENARTS. On dirait, pour reprendre l’expression du journaliste-écrivain Jean-Euphèle Milcé, que « Port-au-Prince est un quartier ».

« Cette exposition révèle le potentiel de nos étudiants diplômés. L’un d’entre eux est un ancien étudiant de l’ENARTS, Gotson Antoine. La relève se prépare », se félicite M. Dodard.

Gotson Antoine, le curateur de l’exposition baptisée « Art et diversité. ENARTS en liberté », visiblement, est content du travail qu’il a fourni. Sans l’aide des autres diplômées de l’École, il n’aurait pas pu réaliser cet évènement. Il précise : « Le travail de la scénographie, le montage de l’exposition est assuré par moi et deux assistants : Stanley Étienne et Réginald Gaston, Kemberling Dorcas Marcelus, responsable graphique pour la communication visuelle de l’exposition. »

Les propositions visuelles de Paul Ronald enchantent Gotson. À travers son regard, nous visitons une série d’œuvres exposées en rond qui ressemblent à des sculptures. « Ce ne sont pas des sculptures. C’est de l’argile travaillée qui vous donne cette impression », ajoute-t-il en pointant les oeuvres de Ronald Paul parmi les pièces de deux sculpteurs: Rousman Dorlys et Borgella Dumond.

Dans la salle qui domine la cour, quatre tableaux de même dimension 30×40 acrylique sur toile attirent l’attention. Gotson nous emmène les voir.

Quatre peintres accordent une grande place à l’imagerie visuelle du vodou, aux loas guédés. Dans une série d’autoportraits, ils s’approprient l’identité du peuple des lakou profondément attaché à leur monde merveilleux qui célèbre la vie et la mort dans un contexte où l’État haïtien et le peuple s’engagent dans des directions opposées. Le contexte actuel touche la sensibilité des artistes.

Qui sont-ils ? Des étudiants finissants de l’ENARTS : Emmanuel Saincilus, fils d’Ismaël Saincilus, maître des icônes de Petite-Rivière de l’Artibonite. Il a réalisé son autoportrait sur fond guédé  « Boutèy verite »; Gaston Réginald, s’est métamorphosé en « Jan Zonbi »; Osnel Victor, en « Mort vivant »; Garibaldi Baptiste a cristallisé son autoportait dans « Louvri baryè ».

Ce quatuor de peintres a exposé d’autres tableaux à l’exposition qui a réuni neuf peintres, deux sculpteurs et un céramiste. Les toiles signées Pyebwa de Mélissa Béralus, celles de Stéphanie Dalzon interpellent le visiteur pressé au Centre d’art.

Cette exposition a permis au public de découvrir et de retenir les noms des étudiant.e.s diplômé.e.s exposé.e.s de l’ENARTS au Centre d’art. En peinture : Mélissa Beralus, Bendja Davenci Lacostrade, Emmanuel Saincilus, Osnel Victor, Garibaldi  Baptiste, Stanley Accimé, Gaston Réginald. Stéphanie Dalzon, peinture ( mix-media), Rubens Corneille, peinture ( mix-media). En sculpture : Rousman Dorlys, Borgella Dumond. En céramique : Ronald Paul.

L’évènement ne se dissocie pas du contexte de la journée sous haute tension. Barricade, tirs sporadiques, cohorte d’élèves agressifs, tessons de bouteilles sur la chaussée, pneus enflammés en cette quinzaine de francophonie à Port-au-Prince.

 

Publié le 2022-03-22, Par Le Nouvelliste
https://lenouvelliste.com/article/234809/enarts-dans-toutes-ses-libertes-au-centre-dart

 

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